2 optiques très différentes pour ces deux couples. Pour Ryan et Jean-François, la volonté d'avoir un mariage finalement très classique et "banal" dans le sens le plus littéral du terme, celui de la normalisation. Pour Laurence et Agnès, c'est le contraire : volonté exprimée d'avoir un mariage militant ! Alors j'ai pas mal bossé pour préparer un discours répondant, en tout cas je l'espère, à l'enjeu. Vous le trouverez ci-dessous.
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Agnès, Laurence, chers amis, je suis très
heureux de vous accueillir dans cette magnifique salle des mariages de la
Mairie de Saint-Cloud.
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Je suis heureux mais également très ému.
- ému car vous m’avez demandé de vous marier et que cela me touche ;
- ému parce que c’est une grande première pour moi. Ce devait être mon 1er mariage mais, finalement, j’ai marié un couple d’hommes ce matin. Tant mieux pour vous, vous ne servirez pas de cobaye et je tenterai de ne pas commettre les trop nombreuses erreurs que j’ai commises ce matin ;
- ému parce que ce mariage revêt une signification très particulière.
- ému car vous m’avez demandé de vous marier et que cela me touche ;
- ému parce que c’est une grande première pour moi. Ce devait être mon 1er mariage mais, finalement, j’ai marié un couple d’hommes ce matin. Tant mieux pour vous, vous ne servirez pas de cobaye et je tenterai de ne pas commettre les trop nombreuses erreurs que j’ai commises ce matin ;
- ému parce que ce mariage revêt une signification très particulière.
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Souvenez vous !
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Il y a 2 ans à peine, nous nous rencontrions
pour la 1ère fois devant cette Mairie. Nous manifestions contre
l’homophobie et pour le droit au mariage pour tous. Nous faisions face à des
hordes obscurantistes littéralement déchaînées et habitées par la haine. Nous
leur avons opposé notre amour et notre aspiration à l’égalité. Et nous avons
gagné…
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Alors oui, ce mariage a vraiment une
signification particulière. Il constitue un aboutissement, je dirais même la
consécration d’une conception résolument juste, égalitaire et laïque du
mariage.
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Une conception du mariage qui est finalement
très récente. Car il s’agit d’une conquête pour laquelle il aura fallu se
battre.
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Jusqu’en 1787, en France, seuls les catholiques
pouvaient se marier. Le mariage était religieux. Les juifs, les protestants et
même certaines professions comme les comédiens en étaient exclus. Il a fallu
attendre 1792 pour que soit créé le mariage civil. En se détachant du
sacrement, le mariage civil qui nous réunit aujourd’hui est donc une conquête
républicaine et témoigne d’un mouvement irrépressible vers une société plus
laïque.
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En 1803, une nouvelle étape est franchie avec
l’article 146 du Code Civil qui stipule que
« Il n'y a pas de mariage
lorsqu'il n'y a point de consentement ». Affranchi du sacrement, le
mariage se voit maintenant enrichi du consentement, c’est à dire de la liberté.
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Mais ce n’est que dans la seconde moitié du
XXème siècle que le principe d’égalité sera reconnu dans le mariage, en faisant
de la femme l’égale de l’homme et pour que les enfants, même adultérins, se
voient attribués de nouveaux droits.
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Le mariage n’est donc pas une institution
immuable. Il a évolué, s’est affranchi, s’est enrichi et a su s’adapter aux
réalités sociales et historiques de son environnement. A tel point que Jean
Carbonnier, éminent juriste, qualifiait en 1989 le mariage de « gloire cachée de la République ».
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A un détail près… Il oubliait en effet tous ces
hommes et toutes ces femmes qui, en raison de leur orientation sexuelle, s’en
trouvaient exclus. Comment alors parler d’égalité ?
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La loi sur le mariage pour tous, à mon sens en
tout cas, permet de définir le mariage non plus comme la gloire cachée de la République, comme le
disait Jean Carbonnier, mais comme la gloire enfin révélée de la République…
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En ouvrant le mariage et l’adoption à tous les
citoyens, y compris aux couples de même sexe, il leur permet de bénéficier des
mêmes droits et de rentrer ainsi dans la communauté des égaux. Les couples homosexuels
peuvent passer le même contrat et bénéficier des mêmes droits que les couples
hétérosexuels, dans les mêmes conditions de consentement, avec les mêmes
interdits et les mêmes obligations.
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Les institutions de la République ne sont plus
réservées à une catégorie de citoyens. Le mariage pour les couples de même sexe
illustre la devise de la République : liberté, égalité, fraternité. Aucune
différence ne peut servir de prétexte à une discrimination d’Etat.
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Nous pourrions même ajouter à la liberté, à
l’égalité et à la fraternité la notion d’altérité. Cette loi permet de penser
autrui et de consentir à l’altérité. Permettez-moi de citer ici Christiane
Taubira lors de son discours final sur l’adoption du mariage pour tous qui
elle-même citait Emmanuel Lévinas, l’un des plus grands philosophes de la
seconde moitié du XXème siècle qui a beaucoup travaillé sur les questions de
justice, d’éthique et d’altérité. Pour lui, « penser autrui relève de l’irréductible inquiétude pour l’autre ».
Ce consentement à l’altérité, c’est la condition du vivre ensemble.
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Cette conquête majeure n’empêche en rien la
coexistence entre différentes conceptions du mariage, elles-mêmes
complémentaires. Qu’il soit un sacrement divin, un engagement envers autrui,
une reconnaissance de la société, un contrat ou une institution qui confère des
droits et des devoirs, il reste un droit dont personne ne doit être exclu.
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Cette conquête est le fruit de combats acharnés
menés par des femmes et des hommes courageux et profondément altruistes. Alors
oui il y a les Olympe de Gouges, les Flora Tristan, Louise Michel, George Sand,
Rosa Luxembourg, Marie Curie, Cécile Brunschvicg (spéciale dédicace à mon
arrière grand mère suffragette et ministre sous le Front Populaire…), Simone de
Beauvoir, Gisèle Halimi et Simone Veil… Mais je pense également à François
Hollande et Christiane Taubira à qui vous avez rendu hommage dans votre
faire-part.
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Néanmoins, aujourd’hui, c’est à vous que je
souhaite rendre un hommage chaleureux, appuyé et surtout reconnaissant.
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Ce mariage, c’est aussi à vous qu’on le doit, à votre
engagement militant indéfectible, à votre ténacité et à l’amour que vous n’avez
jamais cessé d’avoir l’une pour l’autre.
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En un sens, ce mariage est une juste
reconnaissance qui vient consacrer les combats que vous n’avez jamais cessé de
mener. Ce mariage, vous l’avez mérité !
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Et si vous vous mariez aujourd’hui, c’est bien
sûr pour vous, mais c’est aussi pour porter un message. Si vous vous mariez,
c’est pour poser une nouvelle fois un acte public, politique, revendicatif et
militant.
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Vous vous êtes rencontrées en 1979, à 19 ans, à
l’école des sage femmes. Vous avez très vite compris que les sentiments que
vous éprouviez l’une pour l’autre étaient bien plus que de l’amitié et qu’ils
ne pouvaient être contenus.
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Un amour sincère, intense, absolu, bouleversant
mais également déstabilisant et soumis à une pression sociale pesante. Militer
aux Jeunesses Communistes à Montreuil ou à la LCR à Sartrouville, manifester
pour le droit à l’IVG passe encore. Mais vivre un amour homosexuel…
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Alors c’est la séparation et le retour à la
norme. La société a gagné. Commence une nouvelle vie marquée par des bonheurs
infinis comme la naissance de vos enfants mais également marquée par les
regrets d’un amour inassouvi.
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Il faudra attendre 20 ans pour que les
circonstances de la vie, l’évolution de la société et la flamme encore alerte
de vos sentiments respectifs ne vous réunissent. C’était il y a 15 ans…
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Ce mariage constitue une reconnaissance par la
société de la légitimité et de la constance de votre amour. En ce sens, ce
mariage est une délivrance. A la fois pour vous même mais également pour toutes
celles et tous ceux, notamment les plus jeunes, qui se sentent écrasés par des
pesanteurs sociales qui les oppriment et les empêchent d’être heureux.
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Pour tous ces jeunes, vous représentez un
exemple, une source de force et d’inspiration qui les aidera à grandir, à se
construire, à s’assumer et à revendiquer leur droit au bonheur. En vous
mariant, c’est à eux que je pense et c’est en leur nom que je vous remercie.
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Je souhaite terminer cette trop longue
intervention par une pensée pour vos enfants, XXXXX, XXXXX et XXXXX. Je sais
que cela n’a pas été facile pour elles. Votre séparation de leurs pères
respectifs a été vécue comme une souffrance. Votre union, même s’il s’agit en
réalité d’une ré-union, peut susciter de l’incompréhension, voire apparaître
comme une forme de trahison et de reniement de votre vie passée dont elles sont
pourtant le fruit. J’aimerais, très simplement, leur dire que l’amour qu’éprouvent
Agnès et Laurence l’une pour l’autre n’est en aucune manière un rejet. Les
sentiments ne se commandent pas et, quand ils sont beaux, ils se renforcent et
rejaillissent de plus belle. Sachez en profiter et soyez candidates au bonheur.
Celui de vos mères mais également le vôtre.
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Je vais maintenant procéder à la lecture des
actes et recevoir vos consentements.
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