jeudi 19 juillet 2012

Débat public sur l’Eau : acteurs, enjeux et stratégies d’entreprises

Veolia, SUEZ Environnement, SAUR… Les 3 principales entreprises françaises délégataires des services d’eau et d’assainissement sont dans la tourmente. Contestées, stigmatisées, accusées de tous les maux par les tenants de la gestion publique de l’eau, elles font face à une crise de confiance qui remet en cause leur légitimité d’opérateur et donc leur pérennité.

I.       Légitimité des opérateurs : une remise en cause durable
II.      Idées Neuves sur l’Eau : la salutaire réaction de Lyonnaise des Eaux
III.     Doit-on ignorer, affronter ou dépasser le débat public / privé ?
IV.     Porter le débat de façon offensive auprès de l’opinion et remotiver des
collaborateurs en souffrance. Les cas Veolia / SUEZ / SAUR.
V.      Le débat public sur l’eau ne se limite pas au débat public / privé
VI.     Propositions pour une stratégie offensive
VII.    Les conditions du succès


La crise de confiance envers les entreprises de l’eau et l’acuité du débat public / privé sont des phénomènes rémanents, structurants et qui ont vocation à affecter durablement les conditions d’exercice de leur métier. Le débat public / privé n’est cependant pas le seul. L’eau est un secteur sensible marqué par la prolixité des enjeux qui l’entourent : sécheresse, qualité de la ressource, pollution, micro-polluants, qualité de l’eau potable… En conséquence, les entreprises de l’eau ne peuvent s’affranchir d’une participation au débat public.
Lyonnaise des Eaux, la filiale française de SUEZ Environnement,  est sans doute l’entreprise qui a le plus réfléchi à ces sujets et qui a été, en la matière, la plus volontaire. La démarche au long cours qu’elle a initiée en 2010, sous l’impulsion de sa visionnaire Directrice générale de l’époque, Isabelle Kocher, a permis de sortir de l’ornière. Cette démarche, intitulée Idées Neuves sur l’Eau, lui a permis de s’appuyer sur ses parties prenantes afin de cristalliser la mutation de l’entreprise, de modifier sa posture et de formaliser des propositions concrètes sur l’évolution du modèle économique de l’eau en France, la gouvernance, la prise en compte de la performance environnementale…
Cette démarche a néanmoins été essentiellement centrée sur les élus et n’a pas encore eu d’incidence sur l’opinion publique dans son acception la plus large. Or les élus, quelles que soient leurs positions à l’égard des entreprises de l’eau, fondent en grande partie leurs décisions sur ce qu’ils croient être la pensée dominante de l’opinion. Alors que le grand public reste majoritairement favorable à une gestion publique de l’eau, cet état de fait n’est pas favorable aux entreprises. Ces dernières doivent donc davantage « travailler » l’opinion et aider les élus à rendre acceptable, légitime et utile leur présence à leurs côtés. Elles ne doivent pas se contenter de marteler leur expertise, leur savoir-faire, leur utilité, leur exemplarité. Elle doivent profondément modifier leur posture et leur manière d’exercer leurs activités. C’est pour elles une véritable révolution culturelle.
Veolia, le principal acteur du secteur, ne semble pas encore l’avoir compris et se limite à une réponse techniciste d’industriel certes extrêmement compétent et innovant, mais qui a du mal à accepter l’intrusion de nouveaux acteurs (associations, consommateurs, experts…) avec lesquels elle va pourtant devoir apprendre à composer.
SAUR, le 3ème acteur du secteur, est quant à lui totalement absent du débat, cultivant son ancrage territorial et espérant sans doute passer entre les gouttes…
Nombreux sont ceux qui partagent l’idée selon laquelle le débat public / privé est un faux débat, un débat dépassé et que là ne sont pas les véritables enjeux. Peut-on pour autant s’en affranchir ? Assurément non. Assumer et affronter le débat public / privé est la condition de son dépassement. Il faut le traiter, pour ne pas dire le purger, afin de pouvoir passer à d’autres sujets. Participer à ce débat, c’est aussi le meilleur moyen de le maîtriser, de l’encadrer, voire de le recadrer.
Il existe de nombreux moyens de participer à ce débat, d’articuler une posture nationale et d’intervenir localement, de se servir des relations presse autant que des réseaux sociaux, de la publicité ou du web.
Enfin, adopter une posture offensive en matière de débat public, indépendamment des répercussions qu’il est possible d’en attendre en matière de business, constitue un moyen privilégié de rassurer les collaborateurs de ces entreprises parfois en souffrance et qui attendent de leur entreprise des arguments et une posture susceptibles de cultiver leur fierté d’appartenance.


I. Légitimité des opérateurs : une remise en cause durable
Depuis maintenant plusieurs années, les entreprises de l’eau font l’objet d’attaques systématiques qui mettent en cause leur légitimité en tant qu’opérateur. Considérant que les organisations qui portaient ces attaques n’étaient pas dignes de considération ou dépourvues de légitimité, elles ont été dans un premier temps ignorées par les entreprises de l’eau. Résultat, faute de combattants, les thèses de leurs détracteurs se sont profondément imprimées dans l’opinion publique et sont devenues la « pensée dominante ». Une pensée dominante qu’il est extrêmement difficile de déconstruire et qui, même si elle est née à la gauche de la gauche et au sein du mouvement altermondialiste, transcende désormais les clivages partisans.
Ces attaques ont, dans un premier temps, été portées pour des raisons morales : affaires, marchés publics, profits excessifs… Elles ont par la suite été relayées par des motivations idéologiques : l’eau est un bien public qui ne doit pas être « marchandisé ». Ce relais idéologique s’inscrit dans la pensée de l’écologie alternative des années 70 mais a connu un essor inégalé au début des années 90 avec l’avènement et la structuration du mouvement alter-mondialiste. L’inscription du rejet des opérateurs dans un corpus idéologique formalisé renforce sa portée, son influence et sa rémanence. Il ne s’agit pas d’une réaction conjoncturelle due à un contexte électoral circonstanciel mais d’un phénomène durable et structurant qui irrigue la pensée de nombre de leurs parties-prenantes.
Aujourd’hui, plus de 1 français sur deux est favorable à une gestion publique de l’eau. Les raisons de ce rejet des opérateurs sont très diverses et pas nécessairement idéologiques ou politiques. Le prix en est souvent la principale raison. Les citoyens se désintéressent du mode de gestion mais s’intéressent au prix de l’eau et pensent que le privé est naturellement plus cher que le public. Ils sont donc favorables à la gestion publique. CQFD.
Le débat public / privé n’est pourtant pas le seul. Le rapport aux collectivités a changé et de nouveaux enjeux ont émergé : montée en compétence des services techniques municipaux, implication renforcée des élus, volonté de ne pas limiter à la seule Délégation de Service Public les modalités contractuelles entre élus et entreprises, remise en cause du principe même de bénéfice sur la gestion de l’eau, poids croissant des activistes minoritaires… Le tout dans un univers où les moyens de communication permettent à tout un chacun d’acquérir une puissance considérable en matière d’influence et de mobilisation. Les nouvelles technologies constituent l’arme nucléaire des activistes. C’est le principe de la dissuasion nucléaire et du rapport du faible au fort qui sont ainsi revisités. Une petite association ou une simple personne derrière son ordinateur et maîtrisant bien les réseaux sociaux peut faire trembler les géants…  

II. Idées Neuves sur l’Eau :         
la salutaire réaction de Lyonnaise des Eaux
En 2006, la publication d’un « Manifeste » par Lyonnaise des Eaux a constitué une réaction très visible pour réaffirmer sa légitimité en tant qu’opérateur. Diffusé essentiellement en interne, il avait, en plus de sa vertu remobilisatrice / fierté d’appartenance pour les collaborateurs, l’avantage de formaliser un certain nombre de réponses très convaincantes face aux accusations dont elle était l’objet.
Mais le contexte difficile dans lequel évolue Lyonnaise des Eaux n’est pas circonscrit au débat public / privé et au mode de gestion de l’eau. La baisse des volumes, la concurrence accrue, les baisses de prix, la préservation de la ressource en eau, la protection des milieux naturels, le nécessaire avènement d’un nouveau modèle économique fondé sur la performance environnementale, la responsabilité sociale, les nouvelles formes de gouvernance, la gestion du grand cycle de l’eau, les nouvelles technologies etc. sont autant de sujets qui structurent le contexte dans lequel l’entreprise évolue.
Lyonnaise des Eaux a choisi de réagir. Et de sortir « par le haut » de ce débat qui met en cause sa légitimité d’opérateur en proposant un nouveau modèle de l’eau. La démarche Idées Neuves sur l’Eau a été fondatrice. Elle a permis de partager en interne et avec l’ensemble de ses parties-prenantes les nouveaux enjeux de l’eau tout en formulant des engagements extrêmement concrets. Cette démarche n’a pas été simple à conduire et il aura fallu à Isabelle Kocher, Directrice générale de Lyonnaise des Eaux à l’époque, non seulement une vision qui a fait d’elle une patronne exemplaire, mais également beaucoup de ténacité pour vaincre les réticences internes, en particulier celles de SUEZ Environnement qui a freiné des 4 fers avant de, finalement, se rallier et de s’approprier cette démarche.
Pourtant, la démarche Idées Neuves sur l’Eau n’est pas connue du grand public. Elle a permis d’orchestrer la mutation interne de l’entreprise, de le faire savoir à certains élus mais pas au grand public. Ce n’est d’ailleurs pas anormal. INE n’est pas une fin en soi mais un moyen. Un moyen notamment de repartir à la reconquête de l’opinion.

III. Doit-on ignorer, affronter ou dépasser le débat public / privé ?
Nombreux sont celles et ceux qui partagent l’idée selon laquelle le débat public / privé est un débat dépassé, voire ringard et que les vrais enjeux sont ailleurs : protection de la ressource et des milieux naturels, nouveau modèle économique reposant sur la performance environnementale, innovations, gouvernance et transparence… De ce point de vue, il est normal que les entreprises de l’eau souhaitent dépasser ce débat. Pour autant, ce débat existe. Si leur objectif doit certes être de le dépasser, il ne leur est pour autant pas possible de totalement s’en affranchir.
Assumer et affronter le débat public / privé est la condition de son dépassement.
La démarche Idées Neuves sur l’Eau de Lyonnaise des Eaux a produit des effets extrêmement tangibles, notamment auprès des élus. Les Forums en région donnent à voir aux élus ce nouveau visage de Lyonnaise des Eaux et les solutions proposées. Ils adhèrent au constat et aux propositions que l’entreprise leur soumet. Ils conviennent que le débat public / privé est un faux débat. Pour autant, les élus restent tributaires de leurs électeurs.
Municipaliser le service de l’eau est une décision qui peut répondre à plusieurs motivations :
-       une motivation idéologique : le public c’est mieux que le privé et l’eau est un bien public trop précieux pour le laisser dans les mains des entreprises ;
-       une motivation politique : besoin de donner des gages à l’opposition ou à des alliés dans une coalition municipale ; besoin pour des élus de gauche de poser des « marqueurs » politiques témoignant de leur ancrage à gauche ; besoin pour des élus de droite de montrer qu’ils ne sont pas nécessairement des ultra-libéraux « vendus au grand capital » ;
-       une motivation économique : le public c’est moins cher que le privé pour mes administrés ;
-       une motivation souverainiste : en tant qu’élu, je municipalise pour montrer que je suis un acteur engagé de la gestion de mon territoire et que c’est moi qui ai le contrôle ;
-       une motivation protectrice : je municipalise pour protéger mes citoyens dans un contexte économique / écologique difficile, besoin de les rassurer et de montrer que ce sont des élus de proximité qui sont aux commandes ;
Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive et ces différentes motivations peuvent se combiner et s’ajouter les unes aux autres.
Quelles que soient les qualités qui sont prêtées aux entreprises de l’eau ou la performance qui leur est reconnue par les élus, ces différentes motivations peuvent toutes les conduire à municipaliser le service de l’eau. Les décisions prises par Paris, Rouen, Brest, Bordeaux ou Evry en sont les exemples les plus frappants. La qualité du travail réalisé par les entreprises de l’eau est unanimement saluée mais la décision de gérer en direct le service de l’eau est prise…
Au-delà de l’impact économique de ces différentes décisions, toutes concourent à la création d’un sentiment largement partagé de mouvement de remunicipalisation du service de l’eau en France. Les médias s’en font d’ailleurs largement l’écho, de même que certains élus et de nombreux militants hostiles à la DSP qui se prévalent de ces remunicipalisations pour montrer que le sens de l’histoire est avec eux.

IV. Porter le débat de façon offensive auprès de l’opinion et remotiver des collaborateurs en souffrance. Les cas Veolia / SUEZ / SAUR.
Plus d’un français sur deux est favorable à une gestion publique de l’eau.
Le travail de conviction effectué par les entreprises en direction des élus est indispensable mais il doit être accompagné d’une démarche parallèle auprès de l’opinion publique dans son acception la plus large. Les élus veulent être réélus. Même s’ils sont convaincus de la bonne foi des entreprises, de leur légitimité et de leur excellence, s’ils ont le sentiment que le fait de gérer en direct le service de l’eau leur permet de répondre à ce qu’ils croient être une demande de leurs électeurs, alors ils le feront. Les exemples récents ne manquent pas.
Les entreprises doivent aider les élus qui souhaitent travailler avec elles à justifier leurs choix auprès de leurs administrés. Pour y parvenir, elles doivent être capables de s’adresser directement à l’opinion.
L’enjeu n’est pas de dire qu’elles sont de bons professionnels avec une réelle expertise. Les gens le savent et n’en doutent pas. Ce n’est sur ces points qu’elles sont attaquées. L’enjeu est de restaurer la confiance et de refonder leur légitimité.
Le cas de Veolia est intéressant. La position de l’entreprise en termes de débat public se caractérise par :
-       une posture extrêmement agressive et négative : refus de répondre aux réalisateurs du film à charge et militant Water Makes Money, procès, discours menaçant des dirigeants dans la presse, absence de dialogue avec les parties-prenantes.
-       une stratégie d’action offensive : tribunes libres, volonté d’aller « au contact » et d’en découdre…
Dans une récente prise de parole publicitaire, Veolia met en avant son excellence industrielle et sa contribution au développement durable. Ce qu’ils disent est vrai mais complètement « à côté de la plaque ». Car rien n’est dit ou fait pour donner le sentiment que Veolia est prête à modifier sa posture d’entreprise.
Lyonnaise des Eaux a une position qui semble à front renversé :
-       une posture ouverte et positive : Idées neuves sur l’Eau, rencontres avec les élus et les parties prenantes, discours pour un nouveau modèle de l’eau, participations aux débats suite à la diffusion de Water Makes Money…  
-       une stratégie d’action a minima : peu de relations presse, rencontres avec les élus mais non avec le grand public, pas de publicité…
Pour caricaturer, et comme l’a dit un journaliste militant (Marc Laimé) expert du sujet, on a le vrai méchant (Veolia) et le faux gentil (SUEZ).
Quant à SAUR, c’est le calme plat. Aucune prise de parole. SAUR semble à côté du débat. Quand on interroge les associations, c’est « on ne les a pas vus, on ne les connaît pas ». Il est vrai que leurs récents problèmes de gouvernance les ont beaucoup accaparés. Cette place à part leur permet néanmoins de ne pas être la cible de toutes les attaques des opposants à la gestion de l’eau par les entreprises. Il s’agit là d’un positionnement singulier qui semble d’ailleurs davantage être un positionnement par défaut qu’un positionnement choisi et assumé. SAUR pourrait tout à fait revendiquer une place à part face à Veolia et SUEZ et jouer de son très fort ancrage territorial, de son côté « PME française » pour se démarquer de ses deux gros concurrents côtés en bourse en expliquant que eux, ce sont des gens du terrain, des exploitants et pas des financiers, des acteurs des territoires qui représentent une incarnation tangible de l’excellence française industrielle dans les métiers de l’environnement, mais à taille humaine et avec des capacités de projection à l’international qui permettent de créer des emplois en France. Mais bien que Veolia et SUEZ concentrent toutes les attaques, il serait illusoire de croire que SAUR pourrait passer entre les gouttes. C’est tout un modèle qui est attaqué et SAUR est concerné par le sujet, même s’il n’est pas directement attaqué.
Ce qui est en tout cas intéressant dans ce débat, c’est de constater que toutes les entreprises sont confrontées à des enjeux similaires mais qu’aucune n’a de réaction ou de stratégie identique.
Un juste milieu n’est-il pas souhaitable ? Aller frontalement au combat sans se remettre en question comme le fait Veolia n’est pas forcément la bonne solution. Mais, en ce qui concerne Lyonnaise des Eaux, se contenter de dire aux élus qu’elle a changé et qu’elle souhaite un nouveau modèle de l’eau sans descendre dans l’arène pour s’adresser à l’opinion et aux leaders d’opinion ne suffit sans doute pas. En ce qui concerne SAUR, le débat finira par les rattraper.
Parce que Lyonnaise des Eaux / SUEZ Environnement a conduit la démarche Idées Neuves sur l’Eau, elle  peut maintenant se permettre de « monter au front », d’assumer fermement le débat public / privé auprès des élus mais aussi auprès du grand public et restaurer sa légitimité d’opérateur. Le faire avant aurait été une erreur. Ne pas le faire maintenant en serait une également. Dire que ce débat est un faux débat n’est pas suffisant.
Ce ne sont pas les entreprises de l’eau qui fixent les sujets de débat. Ils s’imposent à elles, qu’elles le veuillent ou non. C’est comme si AREVA disait, après Fukushima, que le vrai débat n’était pas celui de la sûreté nucléaire mais celui de la sécurité des approvisionnements ou de l’empreinte environnementale de l’énergie nucléaire. D’ailleurs, AREVA, comme EDF, ont eu une attitude très volontaire lors de la crise : campagnes de pub dans les journaux pour rassurer le grand public, participation de Anne Lauvergeon et de plusieurs experts à de nombreuses émissions de radio ou de TV… Ils ont assumé le débat ! Un débat qu’ils n’ont pourtant pas choisi…
Les collaborateurs des entreprises de l’eau souffrent du débat public sur l’eau tel qu’il se déroule. Prendre la parole en tant qu’opérateur pour restaurer un certain nombre de vérités, et défendre ses positions ne peut, dans cette perspective, que leur être bénéfique. Les collaborateurs sont également des ambassadeurs. Il convient de les former, de leur communiquer des argumentaires pour qu’ils puissent eux-aussi défendre la réputation de leurs entreprises.

V. Le débat public sur l’eau ne se limite pas au débat public / privé
L’eau est une thématique, un secteur et un enjeu à la fois puissant et sensible. Personne ne s’en désintéresse. Pour restaurer confiance et légitimité auprès des citoyens, les entreprises de l’eau doivent être capables de prendre la parole de façon très réactive, dès que l’actualité l’exige et sur un ensemble de thèmes qui ne sont pas circonscrits au mode de gestion : qualité de l’eau (rappelons le documentaire ravageur de France 3 intitulé « Du poison dans l’eau du robinet »), sécheresse, prix, micro-polluants, développement durable…
L’opinion est en droit d’attendre d’entreprises comme Veolia, Lyonnaise des Eaux ou SAUR, dont l’eau est le métier, des informations, des éclaircissements et de la pédagogie sur ces sujets. En la matière, tout silence peut être considéré comme suspect. Le silence est également une invitation à laisser d’autres parler à leur place, avec des messages qui ne leur sont pas toujours favorables…
L’exemple de la sécheresse du printemps 2011 est intéressant. Alors que cette séquence médiatique intense constituait pour les entreprises une opportunité unique de mettre en avant leurs expertises, leurs innovations, leurs chercheurs, leurs exploitants etc. elles n’ont que très peu participé au débat public. Il aurait été pourtant possible de rédiger des dossiers de presse ainsi que des publirédactionnels truffés d’exemples, de parler de réinfiltration de nappes, de rendements de réseaux, de ressources alternatives, d’interconnexion, de réseaux intelligents, de modélisation… Les entreprises de l’eau auraient pu envoyer des porte parole dans des débats TV ou radios, dans des émissions « talks » etc. Car ce sont finalement d’autres acteurs qui sont intervenus à leur place : associations, Nathalie Kosciusko-Morizet (alors Ministre de l’environnement)…
Le grand public ne soupçonne pas la complexité des métiers de l’eau. Ils voient l'eau qui coule au robinet et c’est tout. Ils ne savent pas ce qu'il y a derrière. Alors que les entreprises sont souvent attaquées sur le thème public / privé, mettre en avant leurs compétences et leurs solutions constitue un moyen privilégié de réaffirmer leur légitimité en tant qu'opérateur. En se taisant, les entreprises de l’eau passent de l’ère de la non-transparence à celle de l’inutilité. Pourquoi travailler avec une entreprise privée si celle-ci de démontre pas son utilité par rapport à un opérateur public ?
Autre exemple, celui de la ville de Castres qui a été condamnée en 2011 à payer 32 millions d’euros à Lyonnaise des Eaux pour rupture abusive du contrat qui la liait à l’entreprise. Lyonnaise des Eaux pouvait bien sûr se réjouir de cette décision de justice qui vient rappeler aux élus qu’ils ne peuvent pas faire n’importe quoi (effet dissuasif). Par ailleurs, Lyonnaise des Eaux n’était pas directement attaquée ou mise en cause. Pour autant, l’effet de cette condamnation peut être dévastateur pour les entreprises. Indépendamment des péripéties politiciennes locales, les castrais ont pu avoir le sentiment d’être condamnés à payer 32 millions d’euros à Lyonnaise des Eaux. Que l’entreprise soit dans son bon droit n’y change rien. Que cette condamnation serve à dédommager un préjudice non plus. Les castrais ont eu le sentiment d’être pris en otage. L’entreprise aurait par exemple pu acheter une page de publicité dans la presse locale ou envoyer un courrier aux habitants pour leur expliquer la nature de cette décision et ainsi faire preuve de pédagogie et d’empathie afin de ne pas donner le sentiment que l’entreprise venait « saigner à blanc » les administrés. D’ailleurs, certains élus ont profité de cette décision de justice pour dénoncer la « triple peine » : privatisation de l’eau, augmentation des tarifs et, pour couronner le tout, condamnation. Avec une conclusion : l’eau doit décidément rester dans le domaine public…

VI. Propositions pour une stratégie offensive
Déployer une stratégie offensive en matière de débat public suppose de formaliser des argumentaires, de définir un positionnement, d’articuler plusieurs niveaux de discours (local / national), d’investir de nombreux champs (presse, pub, réseaux sociaux, web, partenariats, leaders d’opinion, universitaires, interne...), de sélectionner des arguments adaptés à chaque contexte et de s’organiser de façon spécifique.
Il ne faut pas se cantonner à une stratégie de réponse. Se contenter de  répondre aux attaques, c'est prendre le risque d'être des suiveurs et de passer son temps à se justifier. Attention à une position victimaire qui pourrait enfermer les entreprises.
Il faut occuper le terrain. En amont de la réponse aux attaques, il faut déployer une stratégie d'occupation du terrain sur toutes les questions « sensibles ». Occuper le terrain, c'est rédiger des tribunes, être sur les réseaux sociaux, animer des communautés, répondre aux questions qui sont posées, nourrir la discussion avec les parties-prenantes etc. Bref, c'est beaucoup de travail et, surtout, une nouvelle posture.
Il faut provoquer le débat ! Pour être offensif et traiter les questions sensibles, le plus efficace, c'est de prendre le « lead » et de provoquer le débat ! Aux entreprises de pousser les sujets qui dérangent avant que d'autres ne le fassent à leur place. C'est le meilleur moyen de cadrer le débat et d'en fixer les termes. C'est aussi le meilleur moyen de raccrocher d'autres messages, notamment institutionnels.
Concernant la posture, les entreprises de l’eau peuvent faire preuve de pédagogie et d’ouverture tout en adoptant un ton extrêmement offensif. Il ne s’agit pas de s’excuser et de se justifier mais de revendiquer la fierté de faire leur métier. Les entreprises pourront être d’autant plus offensives qu’elles auront prouvé leur volonté de dialogue, leur soif d’ouverture et leur capacité à se remettre en cause, y compris quant aux modalités contractuelles qui les lient aux collectivités.

Presse :
Peu d’articles de presse analysent à froid et en profondeur les enjeux liés à l’eau et les débats qui l’entourent. Ce sont souvent des articles réactifs qui s’inscrivent dans une actualité chaude. Il conviendrait de mener des actions de fond spécifiques en direction de le presse. Mais au-delà des relations presse, c’est une véritable stratégie d’influence qu’il faut déployer auprès certes des journalistes, mais pas uniquement.

Publicité corporate :
Toute campagne d’opinion doit pouvoir se référer à ou se prévaloir d’une image institutionnelle qu’une annonce corporate est chargée de façonner.

Campagne d’opinion nationale (pub print + web + réseaux sociaux) :
Imaginons une campagne volontairement provocatrice, qui « met les pieds dans le plat » et énonce les principaux griefs qui sont adressés aux entreprises… Par exemple une pleine page de publicité dans Libération avec, en gros, le titre ; « l’eau gérée par le privé coûte 30% plus cher que par le public ». Le lecteur ne pourra qu’être interpellé par une telle publicité. Mais en dessous, il y aurait le contre-argument : « Faux ! Le prix de l’eau ne dépend pas de son mode de gestion mais des conditions d’exploitation du service et des priorités fixées par la collectivité. Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.eau.fr »
Le lien renverrait vers un site dédié à toutes les questions qui fâchent. Sur ce site, nous pourrions avoir une cinquantaine de thèmes ou de questions liées à la transparence, au prix, à la gouvernance, au mode de gestion, au taux de conformité des analyses, aux rendements de réseau que les délégataires sont accusés de laisser fuir, au modèle économique etc. Ces thèmes seraient traités sous forme de texte, de fiches et de vidéos. Pour chaque question, il y aurait un argumentaire court, une vidéo pédagogique et une fiche plus détaillée à télécharger.
L’objectif n’est évidemment pas de n’être qu’en réactif / défensif. L’objectif est de prendre appui sur les assertions les plus courantes pour les démonter et ensuite hisser le niveau du débat en mettant en avant la vision du modèle de l’eau des entreprises et leurs propositions en la matière.
L’avantage de disposer d’un tel site est qu’il permet d’être extrêmement actif et réactif sur les réseaux sociaux. Car quand une vidéo accusant une entreprise d’assoiffer la planète est vue 250 000 fois sur Youtube ou qu’un commentaire la traitant de voleurs sur le site du monde.fr est lu 125 000 fois, les entreprises n’ont que peu  de moyens de réagir. Un community manager dans l’entreprise pourrait pourtant immédiatement réagir et renvoyer vers l’une des vidéos ou des parties du site créé. C’est du déminage.
Les collaborateurs seraient pour le moins heureux de constater que les entreprises ne se laissent pas mettre en cause impunément mais que, au contraire, elle réagissent, sans agressivité, pour restaurer la vérité et recadrer le débat sur les vrais enjeux de l’eau aujourd’hui comme la protection de la ressource.

Formation des collaborateurs :
Former au débat public plusieurs milliers de collaborateurs peut paraître illusoire et impossible à réaliser. En revanche, il est tout à fait envisageable de distribuer à l’ensemble des collaborateurs des entreprises des argumentaires sur la question, dont ils pourraient utiliser certains passages dans un cadre personnel.
Même s’ils ne les utilisent pas, de tels documents seraient très appréciés car ils contribueraient à cultiver la fierté d’appartenance à l’entreprise.



VII. Les conditions du succès
Ce type de posture et de communication s’apparente à de la guérilla. Elle implique d'être ultra-réactif, de pouvoir répondre instantanément, de se mobiliser sans délais. Inutile de dire que, si une entreprise se fait attaquer et qu’elle doit attendre 15 jours des validations à n'en plus finir, elle peut rentrer chez elle… Il faut aussi prendre les sujets de front et ne pas les esquiver. Si on accuse une entreprise sur ses marges, il ne faut pas répondre qualité d'exploitation. Il faut également du courage et une vraie capacité à assumer le conflit.
Au delà de la posture, il faut des moyens pour produire les messages, les poster, réaliser des vidéos, rédiger des tribunes ou des Q&A, assister à des réunions publiques etc. Bref, constituer un arsenal car on ne part pas au front sans munitions…  

1 commentaire:

  1. Halo, je suis Helena Julio de l’Équateur, je veux bien parler de Le_Meridian Funding Investors sur ce sujet. J'ai tout essayé pour obtenir un prêt de mes banques ici en Équateur, mais ils m'ont tous refusé parce que mon crédit était faible, mais avec la grâce de Dieu, j'ai appris l'existence de Le_Meridian. J'ai donc décidé d'essayer de demander le prêt. avec l’aide de Dieu, ils m’accordent un prêt de 500 000 USD à la demande de prêt que mes banques ici-même en Équateur m’ont refusée. C’était vraiment génial de faire affaire avec elles et mes affaires marchent bien maintenant. Voici le courrier électronique de Le_Meridian Funding Investment / Contact WhatsApp si vous souhaitez faire une demande de prêt auprès de ce dernier.

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